De quoi le débat éthique autour de la génétique médicale est-il le nom?

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Abstract

L’éthique de la génétique est à la mode. Une rapide recherche autour des mots-clefs « genetic ethics » sur le moteur de recherche Pubmed spécialisé en médicine fait apparaître plus de 12.000 résultats pour les cinq dernières années . Parmi ceux-ci, on retrouve de très nombreuses publications consacrées aux questions éthiques soulevées par l’ingénierie du génome humain à des fins thérapeutiques ou d’amélioration (genome editing).
Il est incontestablement intéressant de réfléchir à la dimension éthique de cette génétique médicale en plein essor. Mais une telle réflexion prend souvent la forme d’une mise en garde à travers l’évocation récurrente de thèmes comme l’eugénisme ou la perte de notre humanité, Pour appuyer ces propos alarmistes, la dystopie du Meilleur des mondes de Aldous Huxley sert alors souvent de toile de fond. De telles mises en garde s’accompagnent généralement de propositions de régulations voire d’interdictions pour les applications médicales de l’ingénierie du génome humain .
Cette contribution met en évidence deux concepts régulièrement utilisés dans les critiques adressées aux découvertes en matière d’ingénierie du génome humain, en en montrant à la fois l’intérêt et les limites. Ainsi, il sera successivement question des accusations d’eugénisme et des revendications autour d’un statu quo biologique pour l’espèce humaine.
Malgré tout l’intérêt de ce questionnement, il n’est généralement pas pris au sérieux par les scientifiques concernés : un fossé se creuse ainsi entre celles et ceux qui font la science et celles et ceux qui la critiquent. Mais une autre posture réflexive est possible en cherchant davantage à comprendre qu’à juger.
Que nous apprend l’évolution actuelle des recherches sur l’ingénierie du génome humain à propos de la société occidentale ? Nous verrons que si ces recherches sont très prometteuses, elles pourraient également confirmer la perte progressive de la dimension sociale de l’être humain. En effet, ne soigne-t-on pas socialement les fléaux médicaux (cancers, maladies chroniques, maladies infectieuses, etc.) que certains chercheurs promettent d’éradiquer grâce à leurs ciseaux génétiques ? Cette dimension sociale prend d’innombrables formes : campagnes de prévention, vaccinations, structures adaptées de soins, associations de patients, mutualisation des frais de traitement, solidarités diverses, etc. Cet arsenal social apparaîtra-t-il bientôt obsolète face au ciblage singulier qu’offre la génétique médicale ? Faudra-t-il choisir entre la société et l’individu, sachant que d’énormes investissements financiers seront nécessaires pour mettre sur pied la médecine génétique de demain et que les budgets en matière de financement des soins de santé ne sont pas extensibles à l’infini ?
Ces diverses questions devraient pousser à une re-socialisation du débat critique autour de l’éthique de la génétique médicale, en mettant un peu en sourdine la moralisation vers laquelle il tend trop souvent.
Original languageFrench
Pages (from-to)40-51
Number of pages11
JournalConnaître
Publication statusPublished - 15 Dec 2023

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