Aux frontières de la fiction: l’avatar comme opérateur de réflexivité

Julie Delbouille, Fanny Barnabé

Research output: Contribution to journalArticlepeer-review

Abstract

Que ce soit en tant qu’activité (play) ou qu’objet (game), le jeu vidéo est marqué par la réflexivité : le jeu requiert l’adoption d’une attitude distanciée (Henriot, 1969), métacommunicative (Bateson, 1977), et les œuvres vidéoludiques multiplient les procédés métadiscursifs (métalepses, mises en abyme et autres jeux de miroirs). Cette parenté entre réflexivité et jeu se cristallise tout particulièrement dans la figure de l’avatar : en faisant se rencontrer un joueur empirique et un personnage fictif, cette « enveloppe pilotable » (Amato et Perény, 2013) assure effectivement une fonction d’embrayeur. Point de passage privilégié vers le monde fictionnel, l’avatar acte continuellement la perte et la reprise du contrôle sur le jeu, interrogeant ainsi le joueur sur sa propre posture. La fréquence des figures réflexives dans les jeux et la centralité du rôle de l’avatar dans ces procédés questionnent la manière dont le jeu vidéo peut construire une narration. En effet, ces figures peuvent être envisagées comme les vecteurs d’une destruction du pouvoir de représentation de l’œuvre, puisqu’elles mettent en pause la construction d’un univers pour faire discourir le jeu sur lui-même. Afin de mettre au jour les mécanismes de ces ruptures des seuils de la fiction et leur fonction dans l’articulation du jeu et de la narration, le présent article analysera ces mécanismes formels dans trois jeux distincts : Portal (Valve Corporation, 2007), The Stanley Parable (Galactic Cafe, 2013) et INSIDE (Playdead, 2016). Ceux-ci ont en commun de mettre en abyme le rapport du joueur à la machine par le biais de leurs avatars (et de leur relation respective avec GLaDOS dans Portal, avec le Narrateur dans The Stanley Parable, et avec le deuxième avatar dans INSIDE). Dans ces trois œuvres, les personnages jouables sont les opérateurs d’un métadiscours qui – tout en ne cessant d’opérer des « sorties » hors de la fiction pour s’adresser au joueur empirique – constitue en vérité le socle de la narration elle-même.
Original languageFrench
JournalSciences du Jeu
Volume9
DOIs
Publication statusPublished - 2018
Externally publishedYes

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