“There is plenty of room at the bottom”. Ces célèbres mots, prononcés par Richard P. Feynman en 1959, conduisirent à la naissance de la nanotechnologie et de la nanoscience. Les appareils électroniques à base de semi-conducteurs font partie de notre quotidien depuis ces dernières six décennies. Leur miniaturisation a pris place graduellement au cours des années, cependant, d’après la loi de Moore, la technique de production “top-down” de l’industrie microélectronique contemporaine atteindra bientôt ses limites. Dès lors, les développements récents et la connaissance accrue des semi-conducteurs organiques ont mené à l’exploration de voies alternatives se concentrant sur la création d’appareils électroniques à base de molécules organiques. L’invention de techniques telles que la STM (1981) et l’AFM (1986) ont facilité cette recherche, permettant l’imagerie et la manipulation de surfaces et de molécules à l’échelle nanométrique (0.1-100 nm). L’étape suivante est alors le développement de méthodes permettant le contrôle de la fabrication d’assemblages moléculaires et leur intégration dans des systèmes macroscopiques fonctionnels. À cet égard, l’approche “bottom-up” offre des avantages considérables par rapport aux autres méthodologies (i.e.“top-down”) pour la construction à l’échelle nanométrique de matériaux et appareils fonctionnels. Cette approche exploite généralement l’auto-assemblage hiérarchique de molécules fonctionnelles via de multiples interactions non-covalentes afin de préparer des assemblages ordonnés à longue-distance et sans défauts inhérents, à peine accessibles par de la synthèse covalente conventionnelle. Cependant, investiguer de tels systèmes en solution ou dans un cristal présente un inconvénient intrinsèque. En effet à l’échelle nanométrique, tous les composés moléculaires ne peuvent être atteints. Dès lors, la modification des surfaces de matériaux tels que les métaux ou semi-conducteurs, par déposition de matériaux organiques fonctionnels, semble être la méthodologie d’ingénierie la plus prometteuse. Les surfaces modifiées sont alors caractérisées via des microscopies à sonde locales (tel que la STM, AFM). À cette fin, des réseaux bidimensionnels (2D) construits d’une manière supramoléculaire que présentant une surface confinée et des domaines poreux réguliers (contrôlables à la fois en forme et en taille) sont d’une importance particulière dans ce domaine de recherche, étant donné que leurs cavités peuvent être utilisées comme récepteurs pour le confinement d’autres molécules fonctionnelles (comme par exemple des interrupteurs moléculaires ou des chromophores luminescents). Puisque ces nanostructures complexes pourraient ultimement trouver des applications comme appareils optoélectroniques, des efforts de recherche dans ce domaine ont provoqué beaucoup d’enthousiasme au cours des dernières années. Dans le Chapitre 1, les méthodes employées pour construire des domaines poreux sur surfaces via des interactions supramoléculaires sont introduites au lecteur. La deuxième partie de ce chapitre traite des exemples récents de reconnaissance, sélection et immobilisation de molécules guest dans les cavités du réseau. Celle-ci est suivie d’une troisième partie présentant une discussion sur les assemblages sur surface exposant des caractéristiques structurelles ou des fonctionnalités dans la troisième dimension. La dernière section de ce chapitre est dévouée à la construction de réseaux poreux sur surfaces via les interactions de molécules biomimétiques (tel que l’ADN), ce qui mène ainsi aux objectifs de ce présent projet de thèse. Sur base de l’auto-assemblage de l’ADN en réseaux nanoporeux, il a été postulé que l’appariement de Watson-Crick des nucléobases de l’oligonucléotide serait idéal pour la préparation de domaines 2D poreux présentant de larges cavités réceptrices. Notre idée fut d’attacher covalement des oligonucléotides complémentaires à simples brins à des modules rigides angulaires et linéaires, respectivement, et ainsi permettre aux deux modules de s’auto-assembler sur surface. Cependant, nous avons proposé l’utilisation d’oligonucléotides d’acides nucléiques peptidiques (ANP) en lieu et place d’oligonucléotides d’ADN afin d’obtenir des architectures plus robustes grâce à la stabilité plus élevée des duplex formés par cette classe de molécules biomimétiques. Cette dissertation doctorale décrit les étapes synthétiques réalisées afin d’accomplir cet objectif. La conception des unités angulaires et linéaires portant des oligomères d’ANP complémentaires nécessaires à la préparation des réseaux nanoporeux auto-assemblés est décrite. Toutefois, avant de synthétiser ces molécules complexes, une preuve de principe plus simple était nécessaire pour confirmer que les duplex d’ANP pouvaient être formés sur surface, et également observer si la présence d’entités chromophoriques (comme la porphyrine) attachés aux brins d’ANP avait des effets sur la formation du duplex et sa stabilité. La molécule élaborée à cet égard fut un adduit formé par un dodécamère auto-complémentaire d’ANP portant une porphyrine . La synthèse de l’oligomère auto-complémentaire d’ANP requis pour la préparation de l’adduit ANP-porphyrine est décrite dans la première partie du Chapitre 2. Les voies de synthèse principales et les stratégies de protection utilisées pour préparer les monomères et oligomères d’ANP sont décrites en premier lieu. Ensuite, une discussion sur les stratégies de protections orthogonales choisies pour notre projet est introduite au lecteur. Celles-ci permettraient l’isolation d’oligomères d’ANP portant des nucléobases protégées après clivage de la résine. Une telle stratégie est contraire aux normes rencontrées dans les méthodologies existantes, dans lesquelles le clivage de la résine et la déprotection des nucléobases sont réalisés in situ. Cela dit, procéder autrement était indispensable pour notre stratégie de synthèse puisque le groupement aminé terminal des oligomères d’ANP est nécessaire pour des réactions ultérieures en solution. A cette fin, nous avons proposé deux stratégies de protection, l’une impliquant des groupements protecteurs Fmoc/Mmt, et l’autre des groupements protecteurs Fmoc/Cbz. Le support solide choisi pour la stratégie Fmoc/Mmt fut le Tentagel, présentant un lien clivable dans des conditions basiques. À cause de l’hydrolyse non concluante de ce lien pendant l’étape de clivage de la résine, nous avons abandonné la stratégie Fmoc/Mmt. Dans la seconde stratégie, nous avons choisi comme support solide une résine amide de Rink clivable dans des conditions acides. Dès lors nous avons choisi une stratégie exploitant les groupements protecteurs Fmoc/Cbz puisque celle-ci permettrait le clivage de l’oligomère de la résine par du TFA, sans déprotéger les groupements protecteurs Cbz des nucléobases. La préparation de l’oligomère d’ANP cible (séquence: TTAATTAATTAA) utilisant la stratégie Fmoc/Cbz est décrite dans la section suivante. Tout d’abord, les monomères requis pour la synthèse de l’oligomère ont été préparés à partir de procédures déjà établies. Ensuite, sur base de rapports décrivant les avancées réalisées en synthèse peptidique sur phase solide assistée par micro-onde et clamant une pureté accrue des produits d’oligomérisation, tout en utilisant des temps de couplage courts, nous avons tenté de réaliser l’oligomérisation de l’ANP sur phase solide en utilisant des irradiations micro-ondes. Trois tentatives ont été effectuées. La première impliquait l’utilisation d’un micro-onde standard de laboratoire. Cet essai a résulté en un mélange complexe de produits au niveau du dodécamère. Une amélioration des résultats a été observée en utilisant le micro-onde CEM discover SPS, conçu spécifiquement pour la synthèse sur phase solide. Cependant, le dodécamère désiré était toujours inséparable des sous-produits. Des résultats similaires ont été observés avec le micro-onde CEM liberty, un système automatisé pour la synthèse sur phase solide. Finalement, en réalisant une synthèse manuelle sur phase solide, le dodécamère d’ANP cible a été obtenu. Le chromatogramme HPLC du brut du dodécamère d’ANP obtenu après clivage de la résine montre un seul produit majoritaire, qui a été purifié par la suite. L’oligomère a alors été déprotégé par traitement avec du TMSI et a été analysé par spectrométrie de masse, qui a confirmé que le dodécamère cible avait bien été isolé. La section 2.2 décrit nos efforts pour préparer les adduits ANP-chromophore. Après avoir isolé le dodécamère d’ANP, des tentatives pour attacher covalement via un lien amide l’entité porphyrine à l’oligomère lié à la résine ne furent guère concluantes, certainement dû à un encombrement stérique. Subséquemment, un linker azoture a été greffé à l’oligomère, et des essais pour attacher une porphyrine fonctionnalisée par un groupement acétylène, via une cycloaddition 1,3-dipolaire catalysée par du Cu(I) ont été réalisés. Malheureusement, cette approche n’a pas non plus fourni l’adduit cible. Ces résultats non fructueux ont ouvert la voie au développement d’une cycloaddition 1,3-dipolaire sans Cu(I), qui a elle permis la liaison des chromophores aux oligomères d’ANP. De récents rapports publiés sur les réactions de cycloaddition 1,3-dipolaire sans Cu(I) appliquées sur des oligomères d’ADN nous ont inspiré et aidé à atteindre ce but. Les stratégies rapportées impliquaient la génération d’un oxyde de nitrile, qui était alors mis en réaction avec soit un alcène ou un alcyne, pour former une isoxazoline ou un isoxazole respectivement. Deux méthodes permettant la génération des espèces d’oxyde de nitrile ont été évaluées en utilisant des dérivés anthracène. La première méthode impliquait une déhydrochlorination en présence d’une base, du chlorure d’hydroximoyle de l’anthracène, pour fournir l’oxyde de nitrile. Celui-ci était alors mis en réaction avec un dipolarophile introduit par la suite dans le mélange réactionnel. La seconde approche menant à la génération de l’oxyde de nitrile impliquait le traitement d’un dérivé acide hydroxamique O-silylé d’anthracène avec de l’anhydride trifluorométhanesulfonique en présence d’une base (méthode de Carreira). Après piégeage concluant des oxydes de nitrile générés par chacune des méthodes, en utilisant de l’éthylène triméthylsilyle comme dipolarophile, les réactions ont été appliquées sur un dodécamère d’ANP lié à la résine et fonctionnalisé par un groupement acétylène. Chacune des deux méthodes a généré l’adduit cible ANP-anthracène. La réaction de cycloaddition 1,3-dipolaire entre un oxyde de nitrile et un acétylène n’ayant jamais été réalisée sur des porphyrines, nous avons dû développer une méthode. Des tentatives pour préparer le dérivé chlorure d’hydroximoyle de la porphyrine ont toutes résulté en la décomposition du macrocycle dès traitement avec des agents de chlorination (NCS, tert-BuOCl, et 1-chlorobenzotriazole). En conséquence, la méthode du chlorure d’hydroximoyle a été abandonnée pour la méthode de Carreira. Un dérivé d’acide hydroxamique O-silylé de porphyrine fut alors synthétisé, et lors de l’addition d’anhydride trifluorométhanesulfonique et de Et3N, l’oxyde de nitrile fut généré et trappé avec un grand excès (200 eq.) d’éthylène triméthylsilyle, formant la porphyrine tetra-isoxazole désirée avec un rendement de 62 %, ce qui correspond à un rendement de 89 % par cycloaddition 1,3-dipolaire. L’optimisation des conditions de réaction en utilisant un phénylacétylène comme dipolarophile a permis l’obtention de rendements similaires avec seulement 10 eq. d’excès en acétylène. Ayant développé un protocole compatible à la fois avec l’ANP et la porphyrine, l’utilité de la méthode pour préparer une variété d’adduits ANP-chromophore a été testée. Des dérivés hydroxamates de chromophores pyrène, porphyrine, phénanthroline et fluorescéine ont été préparés. Ensuite, les espèces oxyde de nitrile correspondantes ont été générées et mises en réactions avec le dodécamère d’ANP lié sur la résine et fonctionnalisé par un groupement acétylène. L’adduit ANP-pyrène a été isolé avec succès, tandis que les autres produits cibles ANP-chromophore n’ont pas été isolés. Le dérivé oxyde de nitrile de la porphyrine était insoluble dans le milieu réactionnel, empêchant ainsi la réaction de cycloaddition de se réaliser. Dans le cas de l’hydroxamate de fluorescéine, les groupements fonctionnels nucléophiles présents dans le produit de départ ont probablement réagit avec le réactif anhydride trifluorométhanesulfonique, empêchant probablement ainsi la formation des espèces d’oxyde de nitrile, et donc la réaction de cycloaddition d’avoir lieu. Finalement, la réaction avec le dérivé phénanthroline a fourni un nouveau produit. Cependant les analyses de spectrométrie de masses ont indiqué que ce dernier ne correspondait pas à l’adduit ANP-phénanthroline désiré. Des recherches supplémentaires sont en cours afin de réévaluer ces réactions. Parallèlement au travail synthétique, une étude préliminaire sur la déposition d’ANP sur des surfaces de mica a été examinée en utilisant de l’imagerie AFM. La déposition par spin coating de gouttes d’une solution aqueuse du dodécamère auto-complémentaire d’ANP déprotégé sur une surface de mica propre a résulté en des agrégats d’ANP sur la surface. Après annealing de la solution, une nouvelle déposition d’une seule goutte de solution a résulté en un assemblage sur la surface tout à fait différent. La surface était saturée par ce que nous croyions être des duplex d’ANP. Ceci fut confirmé par la déposition d’une goutte de solution diluée dix fois, qui a résulté en une image AFM où des spots lumineux étaient séparés les uns des autres par la surface de mica propre. Une analyse topographique de la surface a indiqué que les spots lumineux avaient une hauteur moyenne de 1 nm, ce qui correspond très fortement à la hauteur attendue des duplex d’ANP, confirmant ainsi que les duplex d’ANP pouvaient être déposés sur surface.
la date de réponse | 28 avr. 2011 |
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langue originale | Français |
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L'institution diplômante | |
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Superviseur | Davide BONIFAZI (Promoteur), Carmela Aprile (Jury), Stephane Vincent (Président), Marcella BONCHIO (Jury), Annemieke MADDER (Jury) & Maurizio Prato (Copromoteur) |
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