Résumé
« Les enfants méritent respect, confiance et bienveillance. […] Ils constituent un important pourcentage des peuples et des nations en tant qu’habitants, ce sont nos concitoyens, nos compagnons de toujours. […] Les enfants ne sont pas les personnes de demain ; ils sont des personnes dès aujourd’hui. Ils ont le droit d’être pris au sérieux ».Ces mots de Janusz Korczak, écrits en 1929, sont prédictifs du changement paradigmatique que le statut de l’enfant était appelé à connaître durant le XXe siècle, siècle de l’enfant. Sur le plan juridique, tant à l’échelon mondial qu’au niveau européen ou au rang national, les droits de l’enfant sont aujourd’hui devenus une référence incontournable dans de nombreux domaines du droit, le point culminant de cette « révolution » étant, selon de nombreux chercheurs et praticiens, l’adoption par les Nations Unies, le 20 novembre 1989, de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. En Belgique, un article 22bis, intégré dans la Constitution en 2000 et complété en 2008, a aussi consacré les droits spécifiques des enfants.
Notre dissertation doctorale vise à étudier l'effectivité du modèle des droits de l’enfant, formalisé le 20 novembre 1989, et à examiner si ce modèle a réellement permis aux enfants de devenir des sujets de droits, à partir d’une analyse de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle. C'est, en effet, spécialement sous son impulsion que les droits fondamentaux en général et les droits de l’enfant en particulier ont coloré les différentes branches du droit en Belgique.
Nos développements ont été divisés en trois grandes parties. Dans un premier titre, nous avons étudié le phénomène de constitutionnalisation du droit, tel que « régénéré » à la lumière de la notion de vulnérabilité, et la légitimité de la justice constitutionnelle. Dans le deuxième titre, nous avons approfondi la reconnaissance de la vulnérabilité particulière de l'enfant en matière de droits fondamentaux et avons montré que le droit à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit une considération primordiale, dans toute décision qui le concerne, a été placé au cœur du modèle des droits de l’enfant. Dans le troisième titre, nous avons conduit une étude critique de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle relative aux droits de l'enfant, à partir d’une grille de légitimité procédurale et substantielle construite en huit paramètres. Cinq domaines du droit ont été explorés : le droit des personnes et des familles, les droits en matière d’enseignement, le droit de la jeunesse, le droit des étrangers et le respect de la parole de l’enfant.
Au fil de notre étude, nous avons observé les grandes tendances jurisprudentielles et nous avons affiné, petit à petit, notre compréhension des paramètres de légitimité. S’il est apparu qu’il était complexe d’identifier dans la jurisprudence constitutionnelle parfois hétérogène une figure unique de l’enfant, sujet de droits fondamentaux, des lignes de force, des processus, des glissements et des failles ont pu être mis en évidence. Nonobstant ce constat nuancé, il a pu être démontré que le droit de l’enfant à ce que son intérêt (supérieur) soit une considération primordiale a été, dans la continuité de la protection internationale des droits de l'enfant, placé au centre des arrêts de la Cour. Cette orientation jurisprudentielle a paradoxalement eu pour conséquence d’empêcher la reconnaissance de l’enfant comme un véritable sujet de droits. Par conséquent, la révolution des droits de l'enfant, espérée en 1989, n’est pas encore advenue.
Dans nos conclusions finales, nous proposons d’abandonner le modèle construit principalement autour du droit de l’enfant à ce que son intérêt soit une considération primordiale. Le respect de l’enfant et la reconnaissance de sa dignité imposent en effet la construction d’un modèle qui se fonde sur l’ensemble de ses droits fondamentaux, indivisibles et interdépendants, interprétés à la lumière de sa vulnérabilité particulière. A la veille du centenaire de la première Déclaration des droits de l’enfant, adoptée le 26 septembre 1924 par la Société des Nations, il est sans doute temps de tenter de faire œuvre créative pour reconnaître un véritable statut de sujet de droits aux enfants, de mettre fin au statut ambivalent dans lequel ils sont positionnés depuis près d’un siècle et d'élaborer les conditions pour qu’advienne enfin la révolution des droits de l’enfant. Ils le méritent.
la date de réponse | 9 nov. 2023 |
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langue originale | Français |
L'institution diplômante |
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Sponsors | Université de Namur |
Superviseur | Hendrik Vuye (Promoteur), Jacques Fierens (Copromoteur), Nathalie Colette-Basecqz (Président), Diane Roman (Jury), Sébastien Van Drooghenbroeck (Jury) & Marie Garrau (Jury) |