Intégrer une action publique internationale dans un Etat « fragile »
: L’agenda du Conseil de Sécurité des Nations Unies pour « les Femmes, la Paix et la Sécurité » en République Démocratique du Congo

Student thesis: Doc typesDocteur en Sciences politiques et sociales

Résumé

L’objet de cette thèse est d’examiner les difficultés de l’agenda Femmes Paix et Sécurité (FPS) à atteindre ces objectifs, notamment dans un Etat fragile tel que la République Démocratique du Congo (RDC). Cet objet a été traité quasi exclusivement par des approches féministes des Relations Internationales dans la mesure où celles-ci revendiquent être à l’origine de la pièce maîtresse de l’agenda, la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Tout en reconnaissant l’impact et la valeur ajoutée de ces travaux, quelques angles morts subsistent : une focalisation sur la responsabilité discursive onusienne ; une relégation des contraintes opérationnelles de la mise en œuvre de l’agenda FPS ; et un réductionnisme analytique qui se traduit par la tendance à apprécier le bilan de l’agenda FPS en ne se basant que sur une ou deux variables. Afin d’atténuer ces biais, la thèse examine les déterminants de l’échec ou la réussite de l’intégration de l’agenda FPS en RDC, avec une focale d’analyse sur les rôles et les interactions formelles et informelles de l’ensemble des acteurs publics et privés impliqués dans l’appropriation locale de cette action publique internationale ainsi que sur les différentes contraintes qui influencent leurs performances.
La thèse démontre que l’intégration de l’agenda FPS en RDC est inachevée. La participation des femmes à la reconstruction post-conflictuelle s’est heurtée aux normes sociétales qui restreignent leur accès aux espaces publics de prise de décision en les limitant à des rôles sociaux. Si la surdité de la classe politique (hypermasculine) est un vecteur principal de cette marginalisation, les troubles internes au militantisme féminin congolais ont également contribué à réduire le spectre de la fenêtre d’opportunité offerte par la transition politique congolaise puis l’adoption du Plan d’Action National (PAN) de la résolution 1325. Le PAN, est resté un instrument abstrait, inexploré et peu opérationnalisé du fait de la multitude d’acteurs impliqués, la faiblesse de leurs interactions formelles et l’absence d’un système effectif de coordination. L’ineffectivité de l’agenda en RDC s’explique donc par des contraintes techniques, bureaucratiques, matérielles, stratégiques, humaines, symboliques et fondamentalement liées aux contextes institutionnel, politique et socioculturel de la société congolaise. Cela dit, l’intégration de l’agenda FPS a été une source de stratégies d’extraversions dans un contexte de dépendance vis-à-vis des partenaires internationaux. Elles ont consisté, pour les acteurs de la société civile, à ériger la thématique de la parité en priorité de l’agenda politique de l’Etat congolais. Pour l’élite dirigeante, ces stratégies ont consisté à démontrer leur engagement personnel dans la lutte contre les violences sexuelles pour en tirer un gain de légitimité.
L’expérience congolaise de l’appropriation locale d’une action publique internationale telle que l’agenda FPS incite à tirer certaines leçons. Premièrement, il apparaît que dans un Etat fragile, la décision d’intégrer une action publique internationale prend des chemins multiples. Plus l’Etat fait preuve d’écart de capacité ou de légitimité, plus d’autres acteurs publics et privés participent à cette prise de décision. Deuxièmement, l’intégration d’une action publique internationale est un processus continu d’ajustements qui aboutit à une politique ultime reflet d’un équilibre subtil entre les intérêts collectifs, organisationnels et individuels des acteurs impliqués. La multiplication de ces ajustements traduit une dynamique d’appropriation locale. En soi, cette logique est également plausible dans les Etats dits stables. La différence est que dans un Etat fragile, l’agentivité des acteurs à des niveaux individuels est davantage perceptible chez tous les types d’acteurs (élites politiques, cadres de l’Etat, société civile, partenaires techniques et financiers). Enfin, ces agentivités décisives, accentuées par la fragilité de l’Etat donc, suggèrent que l’intégration d’une action publique internationale peut être personnifiée et orientée davantage par des intérêts individuels que des intérêts collectifs.
la date de réponse1 mai 2020
langue originaleFrançais
L'institution diplômante
  • Universite de Namur
SponsorsCERUNA
SuperviseurThierry Balzacq (Promoteur), Jacques Fierens (Jury), Rita Abrahamsen (Jury), Guillaume Devin (Jury), Philémon Mumbunda (Jury) & Jane Freedman (Jury)

mots-clés

  • femmes
  • Paix
  • sécurité
  • 1325
  • genre
  • fragile
  • intégration
  • action publique internationale
  • capacité
  • légitimité
  • écart
  • agentivité
  • positionnalité
  • Conseil de sécurité

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