Impact des pesticides agricoles sur les performances de reproduction des poissons dans le bassin cotonnier beninois

  • Tachégnon Prudencio Agbohessi

Student thesis: Doc typesDocteur en Sciences

Résumé

La présente étude a pour but d’évaluer l’impact des pesticides agricoles utilisés pour la protection phytosanitaire du cotonnier sur les performances de reproduction, le statut hépatique et la croissance des poissons dans les écosystèmes aquatiques récepteurs. La première étape de cette étude est une enquête en milieu paysan qui montre que l’endosulfan est la matière active la plus utilisée (75% du volume total de pesticides) dans le bassin cotonnier à travers le Thionex 350 EC (50.8%) et le Cotofan ® 350 EC (24.6%) en lieu et place du Tihan ® 175 O-TEQ (1.7%) qui contient le flubendiamide (100 g/L) et le spirotétramate (75 g/L) comme matières actives. Selon les cotonculteurs, l’endosulfan est le plus utilisé car il serait plus efficace sur les ravageurs du cotonnier et moins cher à l’achat par rapport au Tihan. Les autres pesticides utilisés en complément contre ces parasites dans le bassin cotonnier sont la Nurelle D® (cyperméthrine (200 g/L) et chlorpyrifos- éthyle (36 g/L)) à un taux de 21% et le Thunder ® 145 O-TEQ (bètacyfluthrine (45 g/L) et imidaclopride (100 g/L)) à 2.5% de la quantité totale d’insecticide consommée.
Par ailleurs, la seconde étape de l’étude a montré que la rivière Alibori considérée comme représentative des rivières du bassin cotonnier, contient des taux élevés d’endosulfan allant de 2.9 à 3.7 μg/L en saison sèche et de 8.2 à 13.8 μg/L en saison pluvieuse. Des niveaux de 0.5 à 0.6 μg/L en saison des pluies et de 1.3 à 1.5 μg/L en saison sèche d’heptachlore ont été obtenus et l’enquête réalisée indique que ce pesticide est utilisé pendant la saison sèche par les pêcheurs pour capturer les poissons sur la rivière Alibori. L’impact de ce cocktail de pesticides sur le développement et la régulation de la reproduction du tilapia de Guinée Tilapia guineensis et du clarias africain Clarias gariepinus a été évalué en utilisant les stéroïdes sexuels plasmatiques et l’histologie des gonades comme biomarqueurs. L’élevation du taux de 17β estradiol E2 et la baisse des niveaux d’androgènes (testostérone T et 11 ketotestosterone 11-KT) d’une part, et les niveaux élevés d’ovotestis chez les mâles de tilapia de Guinée (40%) et de clarias africain (50%) avec les taux relativement élevés d’ovocytes atrétiques pré-ovulatoires chez les femelles de tilapia de Guinée (66.7%) et de clarias africain (70%) d’autre part , nous ont permis de déduire l’existence de xénoestrogènes dans les biotopes aquatiques du bassin cotonnier. L’histologie des gonades des deux espèces de poissons capturées dans la rivière Alibori et comparée à celles de la rivière Pendjari (référence) a également révélé un retard dans la maturation des gonades mâles et femelles et une baisse des diamètres des ovocytes vitellogéniques. Au niveau du foie des poissons contaminés, le nombre élevé de changements régressifs par rapport aux changements progressifs observé dans notre étude indique que les concentrations de pesticides à dégrader par le foie étaient très élevées.
En vue de connaitre l’impact du pesticide le plus utilisé sur les poissons, nous avons étudié l’impact de l’endosulfan sur le système reproducteur et hépatique du clarias africain considéré plus sensible et que nous avons comparé à celui du Tihan, un pesticide qui, à partir de la campagne cotonnière 2011-2012, a été subventionné par les pouvoirs publics en vue d’encourager son utilisation. L’endosulfan a augmenté le niveau plasmatique d’E2 et a baissé celui de la T alors que celui de la 11-KT est resté stable. Tandis que le Tihan a diminué la concentration en E2 et en 11-KT sans que celle en T n’ait changé significativement. Ces changements dans les profils stéroïdiens induits par l’endosulfan et le Tihan sont différents de ceux obtenus chez les poissons sauvages en milieu naturel. Cependant comme en milieu naturel, les poissons mâles exposés à l’endosulfan présentaient des taux élevés d’ovotestis (jusqu’à 30%) et les femelles des ovocytes atrétiques pré-ovulatoires (jusqu’à 80%). Aussi, le foie des poissons exposés à l’endosulfan ou au Tihan présentait plus d’altérations régressives que progressives. L’étude a également mis en évidence l’impact trans-générationnel de l’endosulfan et du Tihan sur les poissons et l’inhibition de la croissance de ces poissons par ces polluants chimiques. Le ralentissement de la croissance des poissons par les pesticides agricoles est dû entre autres à la faible utilisation des aliments, la faible efficacité des protéines et à l’utilisation de l’énergie pour faire face au stress chimique provoqué par ces pesticides. L’effet négatif de l’endosulfan s’est révélé plus important que celui du Tihan.
Au regard de tous ces résultats obtenus nous pouvons affirmer que les pesticides agricoles utilisés pour la protection phytosanitaire du cotonnier au Bénin affectent dangereusement le développement et la régulation de la reproduction, le statut hépatique, et la croissance des poissons et de ce fait menacent la survie des espèces et diminue la capacité de renouvellement des stocks dans les écosystèmes aquatiques récepteurs. Dans ces conditions, l’intégration dans l’itinéraire technique du cotonnier de pesticides moins dommageables à l’environnement ou la promotion du coton biologique, s’avèrent indispensable pour la sauvegarde de la biodiversité.
la date de réponse25 avr. 2014
langue originaleFrançais
L'institution diplômante
  • Universite de Namur
SuperviseurPatrick Kestemont (Promoteur), Robert Mandiki (Jury), Eric Depiereux (Jury), Pascal Fontaine (Jury), Jean-Pierre THOMÉ (Jury), Thierry JAUNIAUX (Jury), Ibrahim Imorou Toko (Copromoteur), Patrick Kestemont (Promoteur) & Patrick Kestemont (Promoteur)

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