Biosynthèse, transport et fonction de l'hyaluronidase HYAL1 dans les macrophages et ostéoclastes murins

Student thesis: Doc typesDocteur en Sciences Biomédicales et Pharmaceutiques

Résumé

L’acide hyaluronique (HA) est un glycosaminoglycane de masse moléculaire élevée qui est abondamment présent dans les matrices extracellulaires où il remplit des fonctions structurelles et contribue à la viscoélasticité du tissu. Par l’intermédiaire d’interactions avec d’autres molécules, l’HA est également impliqué dans divers processus biologiques tels que l’angiogenèse, l’inflammation ou encore la différenciation de certains types cellulaires. L’HA de haute masse moléculaire et les fragments issus de sa dégradation ont cependant souvent des effets opposés sur ces processus. Les hyaluronidases, qui sont les enzymes responsables du catabolisme de l’HA, sont dès lors des protéines particulièrement importantes dans la régulation de ces processus. L’enzyme HYAL1, qui fait l’objet de cette thèse de doctorat, est l’une des deux hyaluronidases principales actives dans les tissus somatiques. En raison de son optimum d’activité à pH acide, HYAL1 a souvent été considérée comme une enzyme lysosomale. Cependant, plusieurs observations réalisées au fil des années ont remis en question cette déduction. Notons par exemple que, contrairement aux autres enzymes lysosomales, HYAL1 est particulièrement abondante dans le sérum, et qu’elle ne semble pas porter de signal d’adressage « classique » vers les lysosomes. Afin de résoudre la controverse pesant sur la localisation subcellulaire d’HYAL1, et ainsi clarifier le modèle de la dégradation intracellulaire de l’HA, nous avons étudié la localisation subcellulaire et le trafic d’HYAL1 dans des macrophages murins ainsi que dans le foie de souris. Par des techniques de fractionnements subcellulaires, de western blotting et de mesure de l’activité d’HYAL1 par zymographies en condition native, nous avons, pour la première fois, fait la démonstration directe de la présence de l’hyaluronidase HYAL1 dans les lysosomes. Nous avons également déterminé qu’HYAL1 est synthétisée sous la forme d’un précurseur actif qui subit un clivage protéolytique dans des endosomes, au cours de son transport vers les lysosomes. L’enzyme s’accumule ensuite dans les lysosomes, sous une forme mature également active. Nous avons également déterminé que l’HYAL1 néosynthétisée ne suit pas la voie canonique de transport vers les lysosomes qui est dépendante du signal mannose 6-phosphate et qui est empruntée par la majorité des hydrolases acides. HYAL1 est tout d’abord sécrétée sous sa forme précurseur, non porteuse d’un signal mannose 6-phosphate, et ensuite endocytée par liaison au récepteur au mannose MRC1 notamment exprimé à la surface des macrophages et des cellules sinusoïdales du foie.
Nous avons ensuite mis en évidence une forte augmentation de l’expression d’HYAL1 au cours de la différenciation de monocytes de souris en ostéoclastes, des cellules multinucléées responsables de la résorption osseuse. Cette observation, ainsi que plusieurs données publiées, nous ont amenés à postuler que la fonction de résorption de l’os par les ostéoclastes pourrait être influencée par HYAL1. En effet, les deux autres enzymes lysosomales fortement surexprimées au cours de l’ostéoclastogenèse, TRAP et la cathepsine K, jouent toutes les deux des rôles centraux dans le processus de résorption osseuse. De plus, plusieurs chercheurs ont rapporté que l’HA peut impacter la croissance et/ou le fonctionnement des ostéoclastes in vitro, lorsqu’il est présent dans leur milieu de culture ou immobilisé au fond du puit de culture. Les effets activateurs ou inhibiteurs semblent varier en fonction de la masse moléculaire de l’HA et, dès lors, pourraient dépendre de l’activité des hyaluronidases telles qu’HYAL1. Cela n’a cependant jamais été investigué, que ce soit in vitro ou in vivo. Afin d’explorer le rôle potentiel d’HYAL1 dans les ostéoclastes, nous avons isolé et différencié des ostéoclastes in vitro à partir de souris sauvages ou déficientes pour HYAL1 (Hyal1 -/-). Il a été rapporté que ces dernières développent une arthrose proche du phénotype d’arthrite juvénile observé chez les rares patients atteints de mucopolysaccharidose de type IX, une pathologie provoquée par une déficience en HYAL1. Nos résultats montrent que le processus de différenciation des ostéoclastes n’est pas affecté par l’inactivation d’Hyal1. Par contre, leur activité de résorption est augmentée. Ex vivo, les fémurs des souris déficientes pour HYAL1 présentent une augmentation du nombre d’ostéoclastes au niveau de l’épiphyse et de la plaque de croissance. Le nombre d’ostéoblastes est, quant à lui, inchangé. Les souris Hyal1 -/- âgées d’un an ou plus ont des fémurs légèrement plus courts et souffrent d’une diminution significative de leur densité osseuse. Ce phénotype d’ostéopénie est cohérent avec l’augmentation de la résorption osseuse par les ostéoclastes que nous avons détectée. Une contribution des ostéoblastes, qui seraient moins actifs, est aussi suspectée sur base de l’observation d’une diminution du marqueur plasmatique de formation osseuse PINP (Procollagen type I N-terminal Propeptide).
En conclusion, dans le cadre de ce travail, nous avons levé toute ambiguïté sur la localisation subcellulaire d’HYAL1, en démontrant sa présence dans les lysosomes, et identifié un mécanisme de ciblage de l'enzyme vers ces organites. Nous avons aussi observé que le fonctionnement normal des ostéoclastes repose sur l’hyperexpression de l’enzyme HYAL1 au cours de leur différenciation à partir de monocytes, et que l’inactivation de cette enzyme altère significativement le remodelage osseux chez la souris. Ces résultats indiquent que la fragmentation de l’HA osseux par HYAL1 est un mécanisme finement régulé qui module la physiologie osseuse. Il sera intéressant, dans le futur, d’étudier plus avant les mécanismes par lesquels l’action de l’HA clivé par HYAL1 agit sur les différents types de cellules osseuses et de déterminer si ces voies de régulation sont perturbées dans diverses pathologies osseuses.
la date de réponse2019
langue originaleFrançais
L'institution diplômante
  • Universite de Namur
SponsorsUniversité de Namur
SuperviseurMichel Jadot (Promoteur), Bruno Flamion (Copromoteur), Yves Poumay (Président), Marielle Boonen (Jury), Florence Debacq-Chainiaux (Jury), Jean-Jacques Body (Jury) & Agnès Noël (Jury)

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