Ménages d'enfants sans parents au Rwanda: (re-)création d’une structure familiale après le génocide perpétré contre les Tutsis ?

Claudine Uwera Kanyamanza, Jean-Luc Brackelaire

    Résultats de recherche: Contribution à un journal/une revueArticleRevue par des pairs

    Résumé

    Le phénomène des « enfants chefs de ménage » et des
    « ménages d’enfants » surgit au Rwanda après le génocide des
    Tutsis en 1994. Rien ne pouvait être institué, prévu, comme
    forme d’organisation familiale pour ces enfants qui en viennent
    à vivre seuls dans des ménages sans parents et sans adultes,
    avec à leur tête un autre enfant un peu plus grand, un aîné, qui
    assume des fonctions parentales et fraternelles qui ne sont pas
    nécessairement basées sur des liens de consanguinité. L’enfance
    et le passage à l’âge adulte, ici vécus sans parents, sur le fond de
    la disparition des parents et sous la marque de l’innommable, se
    révèlent difficiles, sources de souffrance, quand bien même les
    raisons de ce destin restent différentes pour chaque enfant. Les
    auteurs se demandent comment ces enfants en sont arrivés là, ce
    qui fait qu’à un certain moment, on se met à créer un « ménage »,
    une « famille », ce qui est déterminant dans cette construction
    des ménages d’enfants, ce qui permet qu’ils y arrivent, qu’ils
    réussissent à y vivre, mais aussi ce à quoi ils renoncent, et ce que
    représente pour eux cette vie menée dans le ménage d’enfants.
    Une hypothèse est que pour ces enfants vivre dans un ménage
    d’enfants est une tentative singulière d’arriver à créer un nouveau
    groupe familial et d’y vivre, en remobilisant la structure
    sous-jacente de la famille, un essai donc, non sans désespoir, de
    recréer une espèce de foyer, simultanément personnel et social,
    un lieu où vivre, ou plutôt d’abord à partir duquel survivre, sur
    les cendres de celui pourtant perdu, déréalisé, anéanti dans le
    génocide et son cortège de ravages. L’analyse d’entretiens
    menés sous la forme du récit de vie auprès de 16 enfants déploie
    leur arrachement à l’enfance et leur projection dans une lourde
    responsabilité, celle d’une parentalité précoce qu’ils adoptent
    en étant « comme des parents » à la différence d’être parents. Ils
    témoignent de la manière dont des paroles, gestes, souhaits et
    modes d’être intériorisés issus des parents s’avèrent porteurs
    pour les enfants des ménages en les poussant à assumer en propre
    une position et un rôle personnels créateurs de groupes
    d’appartenance et de filiation.
    langue originaleFrançais
    Pages (de - à)11-46
    Nombre de pages36
    journalCahiers de Psychologie Clinique
    Numéro de publication37
    Etat de la publicationPublié - 2011

    mots-clés

    • génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda, ménages d’enfants, enfance, parentalité, transmission familiale

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