Résumé
Le phénomène des « enfants chefs de ménage » et des
« ménages d’enfants » surgit au Rwanda après le génocide des
Tutsis en 1994. Rien ne pouvait être institué, prévu, comme
forme d’organisation familiale pour ces enfants qui en viennent
à vivre seuls dans des ménages sans parents et sans adultes,
avec à leur tête un autre enfant un peu plus grand, un aîné, qui
assume des fonctions parentales et fraternelles qui ne sont pas
nécessairement basées sur des liens de consanguinité. L’enfance
et le passage à l’âge adulte, ici vécus sans parents, sur le fond de
la disparition des parents et sous la marque de l’innommable, se
révèlent difficiles, sources de souffrance, quand bien même les
raisons de ce destin restent différentes pour chaque enfant. Les
auteurs se demandent comment ces enfants en sont arrivés là, ce
qui fait qu’à un certain moment, on se met à créer un « ménage »,
une « famille », ce qui est déterminant dans cette construction
des ménages d’enfants, ce qui permet qu’ils y arrivent, qu’ils
réussissent à y vivre, mais aussi ce à quoi ils renoncent, et ce que
représente pour eux cette vie menée dans le ménage d’enfants.
Une hypothèse est que pour ces enfants vivre dans un ménage
d’enfants est une tentative singulière d’arriver à créer un nouveau
groupe familial et d’y vivre, en remobilisant la structure
sous-jacente de la famille, un essai donc, non sans désespoir, de
recréer une espèce de foyer, simultanément personnel et social,
un lieu où vivre, ou plutôt d’abord à partir duquel survivre, sur
les cendres de celui pourtant perdu, déréalisé, anéanti dans le
génocide et son cortège de ravages. L’analyse d’entretiens
menés sous la forme du récit de vie auprès de 16 enfants déploie
leur arrachement à l’enfance et leur projection dans une lourde
responsabilité, celle d’une parentalité précoce qu’ils adoptent
en étant « comme des parents » à la différence d’être parents. Ils
témoignent de la manière dont des paroles, gestes, souhaits et
modes d’être intériorisés issus des parents s’avèrent porteurs
pour les enfants des ménages en les poussant à assumer en propre
une position et un rôle personnels créateurs de groupes
d’appartenance et de filiation.
« ménages d’enfants » surgit au Rwanda après le génocide des
Tutsis en 1994. Rien ne pouvait être institué, prévu, comme
forme d’organisation familiale pour ces enfants qui en viennent
à vivre seuls dans des ménages sans parents et sans adultes,
avec à leur tête un autre enfant un peu plus grand, un aîné, qui
assume des fonctions parentales et fraternelles qui ne sont pas
nécessairement basées sur des liens de consanguinité. L’enfance
et le passage à l’âge adulte, ici vécus sans parents, sur le fond de
la disparition des parents et sous la marque de l’innommable, se
révèlent difficiles, sources de souffrance, quand bien même les
raisons de ce destin restent différentes pour chaque enfant. Les
auteurs se demandent comment ces enfants en sont arrivés là, ce
qui fait qu’à un certain moment, on se met à créer un « ménage »,
une « famille », ce qui est déterminant dans cette construction
des ménages d’enfants, ce qui permet qu’ils y arrivent, qu’ils
réussissent à y vivre, mais aussi ce à quoi ils renoncent, et ce que
représente pour eux cette vie menée dans le ménage d’enfants.
Une hypothèse est que pour ces enfants vivre dans un ménage
d’enfants est une tentative singulière d’arriver à créer un nouveau
groupe familial et d’y vivre, en remobilisant la structure
sous-jacente de la famille, un essai donc, non sans désespoir, de
recréer une espèce de foyer, simultanément personnel et social,
un lieu où vivre, ou plutôt d’abord à partir duquel survivre, sur
les cendres de celui pourtant perdu, déréalisé, anéanti dans le
génocide et son cortège de ravages. L’analyse d’entretiens
menés sous la forme du récit de vie auprès de 16 enfants déploie
leur arrachement à l’enfance et leur projection dans une lourde
responsabilité, celle d’une parentalité précoce qu’ils adoptent
en étant « comme des parents » à la différence d’être parents. Ils
témoignent de la manière dont des paroles, gestes, souhaits et
modes d’être intériorisés issus des parents s’avèrent porteurs
pour les enfants des ménages en les poussant à assumer en propre
une position et un rôle personnels créateurs de groupes
d’appartenance et de filiation.
langue originale | Français |
---|---|
Pages (de - à) | 11-46 |
Nombre de pages | 36 |
journal | Cahiers de Psychologie Clinique |
Numéro de publication | 37 |
Etat de la publication | Publié - 2011 |
mots-clés
- génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda, ménages d’enfants, enfance, parentalité, transmission familiale