Que peuvent nous apprendre les biologistes au sujet de la vie? Que nous apprennent les êtres vivants eux-mêmes à ce sujet?
Ma recherche porte sur l'évaluation de la dépendance qu'entretient la biologie moderne à l'égard de l'approche structurale. Identifier, localiser, isoler, décrire, manipuler des structures dont la nature est déjà connue (entités physico-chimiques), semble en effet guider la compréhension du monde vivant. Dans le cadre d'un tel paradigme, le vivant est constamment menacé d'être réduit aux propriétés de la matière qui le compose. La vie ne peut dès lors manquer d'apparaître sous la forme d'un mystère insondable au regard de la biologie expérimentale.
En biologie, chaque structure étant associée à une fonction, mon attention se porte plus particulièrement sur les relations "structure-fonction" qui, comme la littérature le révèle, suscitent une certaine confusion et nourissent de nombreux doutes... Des phénomènes comme l'exaptation (une structure changeant de fonction) et la dégénérescence (plusieurs structures ayant la même fonction), communs dans le monde vivant, nous montrent à quel point une relation structure-fonction ne peut être envisagée comme univoque, calquée sur un modèle purement mécanique.
Ma recherche consiste ensuite à évaluer dans quelle mesure il est possible de penser la plurivocité (complexité) en libérant la fonction de son carcan structurel (à savoir sa localisabilité et sa limitation aux lois de la physique classique). C'est alors le projet d'une biologie relationnelle, initié par Nicolas Rashevsky et Robert Rosen, qui est étudié. Or une telle approche n'est pas sans risque: une fois la fonction dématérialisée, sa dimension téléologique reprend le dessus, suscitant automatiquement la méfiance du biologiste (comment l'être vivant pourrait-il agir en fonction d'une fin anticipée?).C'est donc en suivant les traces de philosophes ayant reconnu dans cette finalité l'essence même de la vie (d'Aristote à Raymond Ruyer en passant notamment par Kant) que mon travail se poursuit dans cette direction.
Les enjeux principaux sont autant éthiques (une éthique qui doit redécouvrir la complicité entre être et devoir être) que métaphysiques (une métaphysique post-kantienne qui déjoue les ruses de la raison théorique).