Une phénoménologie radicale du deuil

Toutes les grandes philosophies, et en particulier celles qui nous reconduisent à l'essentiel, approfondissent une expérience partagée par le plus grand nombre, celle du deuil . Une raison l'explique : c'est dans ces moments particuliers, qui suspendent le cours de notre existence, qu'il nous est donné de toucher du doigt ce que nous sommes vraiment, mais aussi ce qu'il en est de la relation à autrui et du sens de l'existence. Une phénoménologique radicale semble s'imposer pour recueillir ces données.

Mais ce n'est pas tout. S'il s'avère exact que ce que nous appelons l'expérience de deuil est au coeur de l'existence humaine, alors, il doit être possible, voire nécessaire, d'interroger à partir d'elle l'ensemble des manifestations humaines. Deux axes ici se dégagent. D'une part, tout deuil se met en scène à travers des rites sociaux et donc des mythes. Avons-nous encore, dans notre culture, de tels mythes ' Dans la mesure où ceux-ci se définissent comme des représentations symboliques de la réalité, tenues pour vraies par une société donnée, nous voudrions montrer que l'économie, la justice et les sciences sont les mythes du monde moderne. La question est alors de savoir quels rites ils rendent possibles, qui permettent de socialiser un deuil (individuel ou collectif). Ainsi la dynamique du deuil serait le secret de toutes les institutions humaines, voire même du sacré et du religieux. D'autre part, la théorie du deuil confirmera sa pertinence en éclairant d'un jour nouveau quelques grands thèmes qui traversent notre société comme le rôle de l'éducation, la question de la violence, la place de l'art, les enjeux éthiques, etc.