L'immersion en question(s): résultats de recherche

Description

L'immersion et les langues dans l'enseignement francophone: résultats de recherche

Regards croisés sur l’apprentissage des langues 

Les critiques (parfois très sévères) dont fait l’objet l’enseignement des langues en Belgique francophone ne sont généralement pas fondées sur des recherches scientifiques. Il en va souvent de même avec l’immersion linguistique ou l’EMILE (enseignement d’une matière par intégration d’une langue étrangère), méthode d’enseignement qui connait un succès croissant et qu’on décrit souvent comme la panacée. Ces constats ont poussé des chercheuses et chercheurs de l’UCLouvain et l’UNamur à collaborer pour étudier les conditions qui favorisent l’apprentissage des langues en général et en immersion en particulier.

Recherche multidisciplinaire

Fondée sur un partenariat avec 22 écoles primaires et secondaires réparties sur l’ensemble de la Wallonie, la recherche avait pour objectifs d’analyser l’impact de l’apprentissage des langues sur le fonctionnement cognitif, linguistique et socio-affectif des apprenants du néerlandais et de l’anglais, tant dans l’enseignement traditionnel qu’en immersion, et de dégager entre autres les avantages et inconvénients de l’immersion. De nombreuses données ont été récoltées non seulement auprès de plus de 900 élèves depuis le début de la 5^e jusqu’à la fin de la 6^e primaire / secondaire, mais également auprès des parents, des directions d’école et du corps enseignant.

Principaux résultats

Cette recherche multidisciplinaire permet d’apporter des réponses scientifiquement fondées à différentes questions sur l’enseignement des langues que se posent les acteurs du monde de l’éducation, mais aussi les parents et la société en général.

Contrairement à une idée largement répandue, nos résultats ne montrent aucun indice d’un éventuel impact négatif de l’immersion sur la maitrise de la langue de scolarisation (le français). Tant au niveau du vocabulaire réceptif, de la lecture à voix haute, de l’orthographe, de la complexité des productions écrites que des résultats des évaluations certificatives externes (qui se font uniquement en français), les élèves en immersion obtiennent en français des résultats identiques, voire meilleurs que les élèves non-immergés. Par contre, nous n’avons pas pu observer d’autres avantages cognitifs non-verbaux tels que ceux qui ont souvent été associés aux bilingues.

Les résultats concernant la maitrise de la langue-cible (anglais ou néerlandais) montrent que les élèves en immersion ont en général un vocabulaire réceptif et productif plus large et plus varié (primaire et secondaire), ainsi que de meilleures compétences écrites (uniquement étudiées chez les élèves en secondaire). Les erreurs lexicales et grammaticales sont moins nombreuses. À noter qu’au niveau de la compétence écrite et des erreurs lexicales et grammaticales, les progrès des élèves en immersion plafonnent plus vite que ceux des élèves de l’enseignement traditionnel.

Pour tous les aspects cognitifs, linguistiques et socio-affectifs étudiés, des différences apparaissent entre le néerlandais et l’anglais. Par ailleurs, les différences en faveur des élèves en immersion sont systématiquement plus fortes en néerlandais qu’en anglais. 

Concernant le public inscrit en immersion, l’immersion attire un public privilégié au niveau socio-culturel, familial et scolaire (principalement en néerlandais). 

Au niveau socio-affectif, tous les élèves s’avèrent motivés, mais les élèves du secondaire traditionnel qui suivent le néerlandais nettement moins. Les attitudes varient surtout au niveau de la langue cible, l’anglais s’avérant plus attrayant que le néerlandais. L’immersion ne compense que partiellement les idées reçues relatives au néerlandais. 

Une des conclusions principales est qu’il ne faut pas surestimer les effets de l’immersion. Les effets positifs dégagés dans les différentes recherches sont des effets retrouvés EN immersion, mais ne sont pas nécessairement dus à l’immersion. En mobilisant différents facteurs favorisant l’apprentissage des langues dans l’enseignement traditionnel (plus d’apport langagier, plus de contacts avec des locuteurs natifs, repenser le lien entre langue et matières), des résultats similaires devraient pouvoir être atteints dans l’ensemble de notre système éducatif.