Poétique du groupe: Prolégomènes à une analyse des représentations de la collectivité littéraire dans la seconde moitié du XIXe siècle

Comme en rend bien compte l’ouvrage Several Authors, One Pen dirigé par Seth Whidden (2009), la pratique littéraire, dans le champ littéraire français du XIXe siècle, ne se conçoit pas sans la collectivité. Que celle-ci se décline sous la forme du cénacle, de la secte, du groupe, du mouvement, du réseau, de la clique, de l’académie ou de l’école, cette collectivité littéraire est fréquemment portée par la nécessité d’affirmer sa fédération et de se mettre en valeur au cœur du paysage culturel dans lequel elle prend place — et ce, quels que soient son étendue, sa raison d’être et les mécanismes internes qui la régissent. Pour ce faire, nombreux sont les rassemblements d’écrivains qui ont pris en charge, collectivement ou par la voix de l’un de leurs membres, simultanément à leur existence ou postérieurement, un discours de présentation cohésif destiné à marquer les consciences et à agir sur l’imaginaire d’une époque. C’est cette réalité que nous nous proposons ici d’interroger, en nous penchant sur les logiques des discours endogènes figurant les collectifs littéraires français ayant vécu durant la seconde moitié du XIXe siècle . Isolant un espace qui s’étendrait d’un discours prospectif à un regard rétrospectif, nous partirions de la préface aux Poèmes antiques (1852) de Leconte de Lisle, dans lequel le poète dresse par anticipation le portrait collectif des « poëtes nouveaux » du Parnasse, pour aboutir aux mémoires d’Ernest Raynaud qui, dans les trois tomes de La Mêlée symboliste (1918-1920), retrace, vingt ans après, l’aventure d’un mouvement peu fédéré. L’enquête que nous aimerions présenter ici s’inscrit dans une recherche postdoctorale principalement articulée autour de deux grands axes, complémentaires mais distincts, dont il s’agirait ici de présenter les implications. Le premier de ces axes vise à interroger les poétiques et supports de ces figurations ; le second leurs effets et enjeux. Il s’agira donc, à l’occasion de cette intervention, de présenter les objectifs et les outils d’une analyse qui, au-delà de son apport ponctuel à la connaissance d’une époque et du champ littéraire, invite à une histoire sociale de la littérature soucieuse de dépasser les récits singuliers et paratactiques que nous avons pour habitude de lire à propos des « grands auteurs ».