Abstract
Au-delà du programme esthétique ou de la doctrine, le surréalisme tel qu’il est conçu à Bruxelles est avant tout une attitude de l’esprit, qui recourt à des moyens artistiques et littéraires, certes, mais qui prend aussi corps dans «le réel, dans ses manifestations les plus quotidiennes, parfois les plus contingentes» (Nougé, 1954). Outre la méfiance éprouvée à l’égardde tout mode d’expression, et, partant, la quête sans cesse renouvelée de nouveaux supports et pratiques, une grande exigence morale pèse sur quiconque participe à l’entreprise. L’injonction nougéenne à «mettre l’esprit aux prises avec des menaces nouvelles » concerne tant la pensée et la création que « les moyens d’existence de l’homme concret plongé dans la société» (Nougé, 1980). Ainsi, la démarche surréaliste ne peut être retracée et comprise si l’on ne tient compte des comportements des membres, en particulier leurs chahuts, scandales et farces visant à duper le milieu artistique et littéraire. Or, certaines pratiques représentent des cas-limites : si le tract de «La Grande Baisse» (1962), prenant la forme d’un faux billet et visant à dénoncer les compromissions de Magritte, relève bel et bien du projet surréaliste de mise en garde, l’activité de faux-monnayeurs et le commerce de faux tableaux par Magritte et Mariën quelques années plus tôt n’est animée que de préoccupations purement matérielles. Une double difficulté heuristique se pose dès lors. D’une part, celle de définir les contours de l’entreprise surréaliste, a fortiori vu les réticences que les poètes dits surréalistes manifestaient à l’égard de toute étiquette, tout en la réactivant et en la redéfinissant sans cesse. D’autre part, celle de déterminer ce qu’il est pertinent d’inclure dans la recherche en littérature (vie privée, délits, brouilles, farces et chahuts).
Original language | French |
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Number of pages | 15 |
Journal | Interférences littéraires |
Volume | 28 |
Issue number | 1 |
Publication status | Published - 12 Oct 2023 |