L’« entre-nous » : espace de réparation psychique pour les personnes traumatisées dans le Rwanda post-génocide

Le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda en 1994 a non seulement emporté des êtres humains mais il a aussi fait voler en éclats leurs références, au premier chef desquelles l’espace culturel de l’« entre-nous». Le présent article décrit cet espace dans la langue et le contexte propres aux femmes rescapées du génocide, au sein de l’Association des Veuves du Génocide – Agahozo (AVEGA). Lesdites veuves évoquent l’espace culturel de l’« entre-nous » dans des séances de psychothérapie groupale à double face, clinique et de recherche. Ce travail de groupe s’inscrit en effet dans le cadre d’une recherche clinique dont la méthodologie est celle de la recherche-action. Il s’agit pour le chercheur clinicien, hors d’une neutralité et d’une extériorité ici déplacées, de s’impliquer avec d’autres professionnels dans la construction de dispositifs de travail permettant de s’approcher du sujet, des sujets, afin de pouvoir créer avec lui, avec eux, les moyens de survivre et de vivre. L’ « entre-nous » se présente comme un levier essentiel dans cette tâche. En plus de la description de cet « entre-nous », l’article met aussi en perspective ses incidences dans la dynamique de co-animation, associant un jeune thérapeute masculin à un groupe de femmes veuves. Il souligne le triple rôle de l’espace – ancien et nouveau – de l’« entre-nous » : celui de prévenir, de guérir et de prendre en charge.