TY - CHAP
T1 - Job et la main de Dieu
AU - Mies, Françoise
PY - 2014
Y1 - 2014
N2 - La main est puissance d’action et capacité d’expression. Son sens n’est pas donné une fois pour toute. Dieu n’a pas de main, et pourtant, on parle de la main de Dieu ou des dieux et on la représente. Dans la Bible hébraïque, sur environ 1800 emplois de « main » (yad : 1600x ; kaph : 200x), 1/9 se réfère à la main de Dieu. Elle est liée au pouvoir, à la force, la puissance, parfois jusqu’à leur être synonyme. Elle exerce une puissance tantôt positive, tantôt négative. Dans le livre de Job, tous les locuteurs mentionnent la main (61x) : la main de Dieu (17x), de Job (18x) et du Satan (3x). La main de Dieu est le problème de Job, et il en parle surtout quand il s’adresse à Dieu. Il évoque sa puissance d’action : elle crée, elle détruit. Être dans la main de Dieu, est-ce pour un bien ou pour un mal ? La main de Dieu est aussi capacité d’expression et de relation. En tant que créatrice de Job, la main de Dieu est ressentie par lui comme bonne et pleine d’amour. Mais en dehors de ce champ, cette main est redoutable, agressive. Ces deux faces de la main de Dieu expriment les deux faces de la relation de Job à Dieu. Le dédoublement de Dieu et de sa main rappelle qu’on a deux mains. Dans la Bible hébraïque, la main gauche de Dieu n’est jamais évoquée, à la différence de sa droite. L’action de Dieu reste indivise. Une théologie ultérieure, présente dans le « Poème des quatre nuits » du targum du Pentateuque, dit que Dieu tuait les premiers-nés de l’Égypte de sa gauche et sauvait les premiers-nés d’Israël de sa droite. Job expérimente la main bienfaitrice de Dieu, essentiellement en son être créé, et la main malfaisante de Dieu, mais il ne distingue pas la gauche de la droite. C’est la même main, le même Dieu, et ce dédoublement en Dieu pose problème. Le prologue avait émis une autre hypothèse, en distinguant non pas entre deux mains mais entre deux personnages, Dieu et le Satan, qui ont chacun leur main. Cette hypothèse sauvegarde le monothéisme et tend à dédouaner Dieu de la responsabilité directe du mal. La figure du Satan disparaît dès la fin du prologue. Néanmoins, sa voix réapparaît en catimini dans l’imagination de Job. L’image qu’il s’est forgée de la main de Dieu, hormis la main créatrice, est l’image selon le Satan. Entre les deux faces de la main de Dieu que Job a imaginées, la parole de Dieu tranchera. Se révélant tel qu’en lui-même et d’abord comme Créateur, Dieu aura au moins montré que sa puissance ne détruit pas Job, qu’elle est don de la vie, et que l’intuition du retour au fondement, à l’être créé, était bonne. L’irruption furtive du nom de YHWH, dans l’affirmation que la main de YHWH a tout créé et qu’en elle se tient tout vivant (Jb 12,9-10), se révèle, in fine, dans sa pleine vérité.
AB - La main est puissance d’action et capacité d’expression. Son sens n’est pas donné une fois pour toute. Dieu n’a pas de main, et pourtant, on parle de la main de Dieu ou des dieux et on la représente. Dans la Bible hébraïque, sur environ 1800 emplois de « main » (yad : 1600x ; kaph : 200x), 1/9 se réfère à la main de Dieu. Elle est liée au pouvoir, à la force, la puissance, parfois jusqu’à leur être synonyme. Elle exerce une puissance tantôt positive, tantôt négative. Dans le livre de Job, tous les locuteurs mentionnent la main (61x) : la main de Dieu (17x), de Job (18x) et du Satan (3x). La main de Dieu est le problème de Job, et il en parle surtout quand il s’adresse à Dieu. Il évoque sa puissance d’action : elle crée, elle détruit. Être dans la main de Dieu, est-ce pour un bien ou pour un mal ? La main de Dieu est aussi capacité d’expression et de relation. En tant que créatrice de Job, la main de Dieu est ressentie par lui comme bonne et pleine d’amour. Mais en dehors de ce champ, cette main est redoutable, agressive. Ces deux faces de la main de Dieu expriment les deux faces de la relation de Job à Dieu. Le dédoublement de Dieu et de sa main rappelle qu’on a deux mains. Dans la Bible hébraïque, la main gauche de Dieu n’est jamais évoquée, à la différence de sa droite. L’action de Dieu reste indivise. Une théologie ultérieure, présente dans le « Poème des quatre nuits » du targum du Pentateuque, dit que Dieu tuait les premiers-nés de l’Égypte de sa gauche et sauvait les premiers-nés d’Israël de sa droite. Job expérimente la main bienfaitrice de Dieu, essentiellement en son être créé, et la main malfaisante de Dieu, mais il ne distingue pas la gauche de la droite. C’est la même main, le même Dieu, et ce dédoublement en Dieu pose problème. Le prologue avait émis une autre hypothèse, en distinguant non pas entre deux mains mais entre deux personnages, Dieu et le Satan, qui ont chacun leur main. Cette hypothèse sauvegarde le monothéisme et tend à dédouaner Dieu de la responsabilité directe du mal. La figure du Satan disparaît dès la fin du prologue. Néanmoins, sa voix réapparaît en catimini dans l’imagination de Job. L’image qu’il s’est forgée de la main de Dieu, hormis la main créatrice, est l’image selon le Satan. Entre les deux faces de la main de Dieu que Job a imaginées, la parole de Dieu tranchera. Se révélant tel qu’en lui-même et d’abord comme Créateur, Dieu aura au moins montré que sa puissance ne détruit pas Job, qu’elle est don de la vie, et que l’intuition du retour au fondement, à l’être créé, était bonne. L’irruption furtive du nom de YHWH, dans l’affirmation que la main de YHWH a tout créé et qu’en elle se tient tout vivant (Jb 12,9-10), se révèle, in fine, dans sa pleine vérité.
KW - Bible
KW - livre de Job
KW - main de Dieu
M3 - Chapitre (revu par des pairs)
SN - 978-3-11-030162-5
T3 - Beihefte zur Zeitschrift für die Alttestamentliche Wissenschaft
SP - 61
EP - 83
BT - Wisdom for Life
A2 - Calduch-Benages, Nuria
PB - Walter de Gruyter GmbH
CY - Berlin - Boston
ER -