Projects per year
Abstract
1.1Bref résumé de la biographie
Entre les sœurs Cécile et Elsa de Jong van Beek en Donk, l’aînée est la plus célèbre. Cécile de Jong van Beek en Donk est l’auteure du tout premier roman féministe explicite aux Pays-Bas, Hilda van Suylenburg (1897), un livre doté d’un effet catalyseur sur les domaines social et juridique. Il n’est pas anodin que l’on appelle ce volumineux roman d’émancipation « La Case de l’Oncle Tom ». Selon de récentes recherches, il s’agit du roman le mieux vendu du dernier quart du XIXe siècle. En 1900, la réputation publique de l’auteure dépassa celle des autres auteures de la fin du XIXe siècle, telles qu’Henriëtte Roland Holst-van der Schalk ou Hélène Swarth. Cécile de Jong van Beek en Donk publia son œuvre Hilda van Suylenburg sous le nom de son époux d’alors, l’immensément riche Haguenois Adriaan Goekoop, dont elle se sépara peu après la publication du livre.
Cette biographie trace la vie de Cécile de Jong van Beek en Donk, avant et après sa rupture avec la société néerlandaise. Pendant 40 ans, elle vécut de sa plume à Paris en tant que journaliste pour des journaux haguenois et pour le New York Herald Tribune, ainsi qu’en tant que traductrice et romancière. Elle se remaria avec un immigrant juif polonais, acquit la nationalité française, devint catholique et combinait sans difficulté apparente le nationalisme, le féminisme, l’antisémitisme et le catholicisme.
Les nombreuses lettres qu’elle échangeait avec sa sœur Elsa de Jong van Beek en Donk évoquent une image de sa personnalité. Dans l’histoire de la civilisation, Elsa est toujours restée dans l’ombre de son époux, le compositeur Alphons Diepenbrock. Toutefois, sa vie et ses ouvrages étaient également intéressants. Déjà à un très jeune âge, elle écrivait des brochures et des articles sur des questions sociales et artistiques : à l’encontre du catholicisme et en faveur du wagnérisme. De son enfance jusqu’à sa mort, elle tenait un journal dans lequel elle répertoriait la vie de son époque avec une capacité analytique particulière. Elle était aussi la première orthophoniste néerlandaise, qui accompagna différents acteurs néerlandais célèbres, dont Willem Royaards. Après une spécialisation à Paris, elle introduisit ce métier aux Pays-Bas et acquit une réputation exceptionnelle pour sa thérapie du bégaiement.
1.2Synopsis détaillé
Cécile de Jong van Beek en Donk est née en 1866 à Alkmaar, où son père Jan de Jong van Beek en Donk exerçait la fonction de substitut du procureur. Le décor de son enfance variait en fonction des promotions du père : en 1866, il devint procureur à Brielle ; en 1869, il fut nommé avocat général à Zwolle ; en 1878, il occupa la fonction de procureur général à Bois-le-Duc. Contrairement à son propre père, De Jong ne s’installa pas dans le château Eyckenlust à Beek en Donk (la famille avait été anoblie en 1831), mais bien dans la maison de patriciens « Annastate », à Hintham près de Bois-le-Duc. C’est là que Cécile vécut jusqu’à son mariage, dans une relation symbiotique et ouvertement fanatique avec Elisabeth, sa sœur de deux ans sa cadette (Elsa).
Les parents De Jong van Beek en Donk prirent en charge l’enseignement à domicile du plus haut niveau : on engageait une gouvernante parfaitement bilingue français-allemand de Suisse. La mère et la grand-mère de Cécile étaient peintres et apprirent à leurs enfants une conception élitiste de l’art. Cécile jouait du violon, Elsa du piano. Elles n’étaient pas encore majeures quand elles voyagèrent seules jusqu’à Bayreuth pour assister au festival. Cosima Wagner les accueillit. L’ensemble du voyage et l’initiation à la musique renforcèrent le lien presque physiquement exalté des sœurs.
Parallèlement, les parents éclairés avaient une haute opinion de la vocation sociale de l’aristocratie. L’écuyer Jan de Jong van Beek en Donk prit de nombreuses initiatives pour attirer l’attention sur les mauvaises conditions de travail et de vie des ouvriers. Quant au domaine politique, il se trouvait entre les libéraux progressistes et les radicaux, bien qu’il fût opposé au suffrage universel. En tant que membre du comité de l’association des femmes ARBEID ADELT, son épouse défendait le droit au travail rémunéré pour les femmes de la haute société. La devise « noblesse oblige », ligne de conduite dans l’éducation des deux filles, comprenait à la fois un style de vie simple, un développement international et un idéalisme social.
À Utrecht, Cécile de Jong van Beek en Donk obtint un certificat de l’enseignement du français dans le secondaire. En 1890, elle réagit à une autre tentative de demande de mariage du spéculateur foncier de La Haye, Adriaan Goekoop. Dès le début, l’alliance était placée sous le signe de la mélancolie. Peu avant leur mariage, leurs pères décédèrent. Cécile ne se sentait pas chez elle à La Haye, dans la maison magistrale de la Laan van Meerdervoort (qui était en grande partie la possession personnelle de Goekoop), et la communication au sein du couple était difficile. Aucun enfant ne naquit de ce mariage. Cécile déclara ne pouvoir aimer son époux qu’avec un amour maternel.
Elle cherchait compensation dans l’amélioration du monde. En 1892, avec sa mère et sa sœur, Cécile fonda la BOND TER BESTRIJDING EENER GRUWELMODE (Association pour la lutte contre une mode de l’atrocité), s’opposant au meurtre des oiseaux pour l’ornement de chapeaux ou de vêtements. Il s’agissait de la première plateforme de la protection des oiseaux aux Pays-Bas. Grâce à leur réseau aristocratique, l’association compta en quelques mois 1000 membres. L’évolution de la protection des animaux vers l’émancipation de la femme était une étape logique : selon les membres, la vanité des femmes de la haute société résultait de la vacuité de leur existence, qui était elle-même causée par un manque de travail. Cécile parcourut les États-Unis, où elle vit un modèle de société inspirant : une plus grande protection légale de la femme et des rapports moins conventionnels entre les sexes et les classes. À l’Exposition universelle de Chicago, elle visita le Woman’s Building (bâtiment des femmes), qui donnait un aperçu du travail des femmes du monde entier.
De retour en Hollande, Cécile se consacra à l’élaboration d’une exposition semblable à La Haye et à l’écriture d’un roman à thèse sur l’émancipation de la femme. Entre-temps, à Annastate, Elsa et sa mère se convertirent au socialisme. Chacune des femmes lisait des livres et écrivait des brochures sur le devoir de l’aristocratie dans le développement d’une société socialiste. À cette fin, Elsa s’inspirait davantage sur Wagner et Tolstoï que sur des théoriciens marxistes. Elle se prépara à l’examen d’admission pour des études de droit.
Quand Elsa eut envoyé un article sur les motifs musicaux de Wagner à De Nieuwe Gids, le rédacteur musical catholique Alphons Diepenbrock vint en personne rapporter le texte à la demoiselle. Le coup de foudre s’effaça au profit de la différence de croyance. La mère de Diepenbrock le mit face au choix entre le reniement de sa bien-aimée ou celui de la famille Diepenbrock. Une année et demie de négociations (Cécile se rendit même jusqu’au Vatican) aboutit finalement à un mariage civil en 1895, en absence de la famille Diepenbrock. Le couple s’installa derrière le Concertgebouw d’Amsterdam (salle de musique classique) et devint intimement lié à Gustav Mahler. Elsa fut le soutien financier grâce à sa pratique privée en orthophonie. Non sans lutte, elle se soumit à l’idéologie de son mari et abandonna successivement ses études de droit, son socialisme et son féminisme. Le lien conjugal ne fut réel sur le plan physique qu’après neuf ans, lors de la mort de la mère de Diepenbrock : celui-ci voulait lui épargner la tristesse de devenir la grand-mère d’enfants d’une protestante. Dans ses journaux, Elsa analysait le ‘complexe maternel’ de son mari avec une précision apparente.
À La Haye, chacun des projets de Cécile (un livre et une exposition) arriva presque au même moment à terme et étaient perçus comme indissociables par l’opinion publique : quand l’Exposition nationale du travail des femmes attira près de 100 000 visiteurs durant l’été 1898, beaucoup d’entre eux avaient déjà lu le roman d’émancipation Hilda van Suylenburg. L’agitation sociale n’atteignit Cécile qu’à une certaine distance. Après l’exposition, un divorce semblait devenir inévitable – c’est son mari qui force à la rupture. À la fin de l’année 1899, Cécile s’installa définitivement en France. Jamais elle n’utilisa l’énorme montant qu’elle conservait du divorce (520 000 florins versés sur une période de 45 ans, càd presque 6.000.000 euros) à des fins personnelles : ce montant lui permit de venir en aide à des nécessiteux.
L’émigration de Cécile de Jong van Beek en Donk s’expliquait par des raisons plus profondes que le divorce : elle se sentait aliénée de La Haye sur le plan culturel et trahie par sa propre sœur sur le plan personnel, qui lui avait reproché de ne pas avoir suffisamment contenté son mari. Le silence blessé entre les deux sœurs dura jusqu’à leur première grossesse, qu’elles eurent au même moment, en 1905, quand leur mère, la comtesse Nahuys décéda à la suite d’un incendie. Peu avant, Cécile s’était remariée avec un scientifique éminent, le juif russo-polonais Michel Frenkel, sous la loi russe qui place la femme et l’homme sur un pied d’égalité. Le couple acquit la nationalité française avant la naissance de leur fils Pierre-Michel. Chacun d’eux entretenait des contacts avec des immigrants des Pays-Bas et de l’Europe de l’Est dans des cercles d’artistes parisiens. Cécile travaillait en tant que correspondante pour, entre autres, le Nieuwe Courant et le New York Herald Tribune, et écrivait des romans, en néerlandais et en français, dont l’histoire avait lieu dans des cercles artistiques de Paris.
La vie d’Elsa était toujours placée sous le signe du soutien du génie de son mari lorsqu’elle découvrit que le réveil érotique de Diepenbrock, à la suite du décès de sa mère, concernait d’autres femmes qu’elle. Sans scrupule, avec honnêteté et respect, elle coucha ses propres sentiments et ceux de Diepenbrock sur le papier de ses journaux durant la relation de cet homme avec une élève, qui dura plus de douze ans. À presque 50 ans, Elsa vécut quant à elle sa grande passion avec Matthijs Vermeulen, le compositeur plus jeune de 20 ans.
Non seulement les expériences conjugales similaires, mais aussi la première guerre mondiale renforcèrent l’amitié renouvelée entre Cécile et Elsa. Ensemble, grâce à l’argent du divorce de Cécile, elles établirent un comité de soutien aux veuves des soldats de France et de Belgique. Cécile occupait le poste de correspondante de guerre et devint « plus française que les Français » . Dans les années 1920, elle était partisane de l’Action française nationaliste et prit également à son compte l’antisémitisme du dirigeant de ce mouvement, Charles Maurras, sans que cela ne nuise à ses intenses sentiments antiallemands. C’est son dernier roman, Bij de waskaarsen (1930) (« Près des chandelles »), qui témoigne sa conversion au catholicisme. Dans une tentative de convertir aussi son fils Pierre-Michel (un superbe garçon quelque peu débauché), elle saisit le bras du peintre et poète Max Jacob, qui s’était réfugié dans le couvent de Saint-Benoît-sur-Loire. Cécile ignorait la préférence de Jacob pour les hommes. Ce dernier consacra beaucoup de lettres au sujet de l’histoire d’amour avec Pierre-Michel Frenkel à l’intention de Jean Cocteau et Marcel Jouhandeau. Cécile de Jong van Beek en Donk s’éteignit le 15 mai 1944 à la suite d’une maladie cardiaque.
Elsa se convertit au catholicisme elle aussi, peu avant la mort de son mari en 1921. Jusqu’à son décès en 1939, elle resta fortement impliquée dans la vie de concerts d’Amsterdam. Elle transforma son grenier dans la Johannes Verhulststraat à Amsterdam en une salle de concert et de conférence. Elle avait horreur du prétendu « antisémitisme impersonnel » de sa sœur. Par le biais de son circuit musical, elle se chargeait d’envoyer des musiciens juifs d’Autriche vers l’Angleterre. Elle entretenait des contacts avec des artistes tels que Sara de Swart et Jan Engelman. Après son décès, sa fille Thea se maria avec son amant, Matthijs Vermeulen.
Entre les sœurs Cécile et Elsa de Jong van Beek en Donk, l’aînée est la plus célèbre. Cécile de Jong van Beek en Donk est l’auteure du tout premier roman féministe explicite aux Pays-Bas, Hilda van Suylenburg (1897), un livre doté d’un effet catalyseur sur les domaines social et juridique. Il n’est pas anodin que l’on appelle ce volumineux roman d’émancipation « La Case de l’Oncle Tom ». Selon de récentes recherches, il s’agit du roman le mieux vendu du dernier quart du XIXe siècle. En 1900, la réputation publique de l’auteure dépassa celle des autres auteures de la fin du XIXe siècle, telles qu’Henriëtte Roland Holst-van der Schalk ou Hélène Swarth. Cécile de Jong van Beek en Donk publia son œuvre Hilda van Suylenburg sous le nom de son époux d’alors, l’immensément riche Haguenois Adriaan Goekoop, dont elle se sépara peu après la publication du livre.
Cette biographie trace la vie de Cécile de Jong van Beek en Donk, avant et après sa rupture avec la société néerlandaise. Pendant 40 ans, elle vécut de sa plume à Paris en tant que journaliste pour des journaux haguenois et pour le New York Herald Tribune, ainsi qu’en tant que traductrice et romancière. Elle se remaria avec un immigrant juif polonais, acquit la nationalité française, devint catholique et combinait sans difficulté apparente le nationalisme, le féminisme, l’antisémitisme et le catholicisme.
Les nombreuses lettres qu’elle échangeait avec sa sœur Elsa de Jong van Beek en Donk évoquent une image de sa personnalité. Dans l’histoire de la civilisation, Elsa est toujours restée dans l’ombre de son époux, le compositeur Alphons Diepenbrock. Toutefois, sa vie et ses ouvrages étaient également intéressants. Déjà à un très jeune âge, elle écrivait des brochures et des articles sur des questions sociales et artistiques : à l’encontre du catholicisme et en faveur du wagnérisme. De son enfance jusqu’à sa mort, elle tenait un journal dans lequel elle répertoriait la vie de son époque avec une capacité analytique particulière. Elle était aussi la première orthophoniste néerlandaise, qui accompagna différents acteurs néerlandais célèbres, dont Willem Royaards. Après une spécialisation à Paris, elle introduisit ce métier aux Pays-Bas et acquit une réputation exceptionnelle pour sa thérapie du bégaiement.
1.2Synopsis détaillé
Cécile de Jong van Beek en Donk est née en 1866 à Alkmaar, où son père Jan de Jong van Beek en Donk exerçait la fonction de substitut du procureur. Le décor de son enfance variait en fonction des promotions du père : en 1866, il devint procureur à Brielle ; en 1869, il fut nommé avocat général à Zwolle ; en 1878, il occupa la fonction de procureur général à Bois-le-Duc. Contrairement à son propre père, De Jong ne s’installa pas dans le château Eyckenlust à Beek en Donk (la famille avait été anoblie en 1831), mais bien dans la maison de patriciens « Annastate », à Hintham près de Bois-le-Duc. C’est là que Cécile vécut jusqu’à son mariage, dans une relation symbiotique et ouvertement fanatique avec Elisabeth, sa sœur de deux ans sa cadette (Elsa).
Les parents De Jong van Beek en Donk prirent en charge l’enseignement à domicile du plus haut niveau : on engageait une gouvernante parfaitement bilingue français-allemand de Suisse. La mère et la grand-mère de Cécile étaient peintres et apprirent à leurs enfants une conception élitiste de l’art. Cécile jouait du violon, Elsa du piano. Elles n’étaient pas encore majeures quand elles voyagèrent seules jusqu’à Bayreuth pour assister au festival. Cosima Wagner les accueillit. L’ensemble du voyage et l’initiation à la musique renforcèrent le lien presque physiquement exalté des sœurs.
Parallèlement, les parents éclairés avaient une haute opinion de la vocation sociale de l’aristocratie. L’écuyer Jan de Jong van Beek en Donk prit de nombreuses initiatives pour attirer l’attention sur les mauvaises conditions de travail et de vie des ouvriers. Quant au domaine politique, il se trouvait entre les libéraux progressistes et les radicaux, bien qu’il fût opposé au suffrage universel. En tant que membre du comité de l’association des femmes ARBEID ADELT, son épouse défendait le droit au travail rémunéré pour les femmes de la haute société. La devise « noblesse oblige », ligne de conduite dans l’éducation des deux filles, comprenait à la fois un style de vie simple, un développement international et un idéalisme social.
À Utrecht, Cécile de Jong van Beek en Donk obtint un certificat de l’enseignement du français dans le secondaire. En 1890, elle réagit à une autre tentative de demande de mariage du spéculateur foncier de La Haye, Adriaan Goekoop. Dès le début, l’alliance était placée sous le signe de la mélancolie. Peu avant leur mariage, leurs pères décédèrent. Cécile ne se sentait pas chez elle à La Haye, dans la maison magistrale de la Laan van Meerdervoort (qui était en grande partie la possession personnelle de Goekoop), et la communication au sein du couple était difficile. Aucun enfant ne naquit de ce mariage. Cécile déclara ne pouvoir aimer son époux qu’avec un amour maternel.
Elle cherchait compensation dans l’amélioration du monde. En 1892, avec sa mère et sa sœur, Cécile fonda la BOND TER BESTRIJDING EENER GRUWELMODE (Association pour la lutte contre une mode de l’atrocité), s’opposant au meurtre des oiseaux pour l’ornement de chapeaux ou de vêtements. Il s’agissait de la première plateforme de la protection des oiseaux aux Pays-Bas. Grâce à leur réseau aristocratique, l’association compta en quelques mois 1000 membres. L’évolution de la protection des animaux vers l’émancipation de la femme était une étape logique : selon les membres, la vanité des femmes de la haute société résultait de la vacuité de leur existence, qui était elle-même causée par un manque de travail. Cécile parcourut les États-Unis, où elle vit un modèle de société inspirant : une plus grande protection légale de la femme et des rapports moins conventionnels entre les sexes et les classes. À l’Exposition universelle de Chicago, elle visita le Woman’s Building (bâtiment des femmes), qui donnait un aperçu du travail des femmes du monde entier.
De retour en Hollande, Cécile se consacra à l’élaboration d’une exposition semblable à La Haye et à l’écriture d’un roman à thèse sur l’émancipation de la femme. Entre-temps, à Annastate, Elsa et sa mère se convertirent au socialisme. Chacune des femmes lisait des livres et écrivait des brochures sur le devoir de l’aristocratie dans le développement d’une société socialiste. À cette fin, Elsa s’inspirait davantage sur Wagner et Tolstoï que sur des théoriciens marxistes. Elle se prépara à l’examen d’admission pour des études de droit.
Quand Elsa eut envoyé un article sur les motifs musicaux de Wagner à De Nieuwe Gids, le rédacteur musical catholique Alphons Diepenbrock vint en personne rapporter le texte à la demoiselle. Le coup de foudre s’effaça au profit de la différence de croyance. La mère de Diepenbrock le mit face au choix entre le reniement de sa bien-aimée ou celui de la famille Diepenbrock. Une année et demie de négociations (Cécile se rendit même jusqu’au Vatican) aboutit finalement à un mariage civil en 1895, en absence de la famille Diepenbrock. Le couple s’installa derrière le Concertgebouw d’Amsterdam (salle de musique classique) et devint intimement lié à Gustav Mahler. Elsa fut le soutien financier grâce à sa pratique privée en orthophonie. Non sans lutte, elle se soumit à l’idéologie de son mari et abandonna successivement ses études de droit, son socialisme et son féminisme. Le lien conjugal ne fut réel sur le plan physique qu’après neuf ans, lors de la mort de la mère de Diepenbrock : celui-ci voulait lui épargner la tristesse de devenir la grand-mère d’enfants d’une protestante. Dans ses journaux, Elsa analysait le ‘complexe maternel’ de son mari avec une précision apparente.
À La Haye, chacun des projets de Cécile (un livre et une exposition) arriva presque au même moment à terme et étaient perçus comme indissociables par l’opinion publique : quand l’Exposition nationale du travail des femmes attira près de 100 000 visiteurs durant l’été 1898, beaucoup d’entre eux avaient déjà lu le roman d’émancipation Hilda van Suylenburg. L’agitation sociale n’atteignit Cécile qu’à une certaine distance. Après l’exposition, un divorce semblait devenir inévitable – c’est son mari qui force à la rupture. À la fin de l’année 1899, Cécile s’installa définitivement en France. Jamais elle n’utilisa l’énorme montant qu’elle conservait du divorce (520 000 florins versés sur une période de 45 ans, càd presque 6.000.000 euros) à des fins personnelles : ce montant lui permit de venir en aide à des nécessiteux.
L’émigration de Cécile de Jong van Beek en Donk s’expliquait par des raisons plus profondes que le divorce : elle se sentait aliénée de La Haye sur le plan culturel et trahie par sa propre sœur sur le plan personnel, qui lui avait reproché de ne pas avoir suffisamment contenté son mari. Le silence blessé entre les deux sœurs dura jusqu’à leur première grossesse, qu’elles eurent au même moment, en 1905, quand leur mère, la comtesse Nahuys décéda à la suite d’un incendie. Peu avant, Cécile s’était remariée avec un scientifique éminent, le juif russo-polonais Michel Frenkel, sous la loi russe qui place la femme et l’homme sur un pied d’égalité. Le couple acquit la nationalité française avant la naissance de leur fils Pierre-Michel. Chacun d’eux entretenait des contacts avec des immigrants des Pays-Bas et de l’Europe de l’Est dans des cercles d’artistes parisiens. Cécile travaillait en tant que correspondante pour, entre autres, le Nieuwe Courant et le New York Herald Tribune, et écrivait des romans, en néerlandais et en français, dont l’histoire avait lieu dans des cercles artistiques de Paris.
La vie d’Elsa était toujours placée sous le signe du soutien du génie de son mari lorsqu’elle découvrit que le réveil érotique de Diepenbrock, à la suite du décès de sa mère, concernait d’autres femmes qu’elle. Sans scrupule, avec honnêteté et respect, elle coucha ses propres sentiments et ceux de Diepenbrock sur le papier de ses journaux durant la relation de cet homme avec une élève, qui dura plus de douze ans. À presque 50 ans, Elsa vécut quant à elle sa grande passion avec Matthijs Vermeulen, le compositeur plus jeune de 20 ans.
Non seulement les expériences conjugales similaires, mais aussi la première guerre mondiale renforcèrent l’amitié renouvelée entre Cécile et Elsa. Ensemble, grâce à l’argent du divorce de Cécile, elles établirent un comité de soutien aux veuves des soldats de France et de Belgique. Cécile occupait le poste de correspondante de guerre et devint « plus française que les Français » . Dans les années 1920, elle était partisane de l’Action française nationaliste et prit également à son compte l’antisémitisme du dirigeant de ce mouvement, Charles Maurras, sans que cela ne nuise à ses intenses sentiments antiallemands. C’est son dernier roman, Bij de waskaarsen (1930) (« Près des chandelles »), qui témoigne sa conversion au catholicisme. Dans une tentative de convertir aussi son fils Pierre-Michel (un superbe garçon quelque peu débauché), elle saisit le bras du peintre et poète Max Jacob, qui s’était réfugié dans le couvent de Saint-Benoît-sur-Loire. Cécile ignorait la préférence de Jacob pour les hommes. Ce dernier consacra beaucoup de lettres au sujet de l’histoire d’amour avec Pierre-Michel Frenkel à l’intention de Jean Cocteau et Marcel Jouhandeau. Cécile de Jong van Beek en Donk s’éteignit le 15 mai 1944 à la suite d’une maladie cardiaque.
Elsa se convertit au catholicisme elle aussi, peu avant la mort de son mari en 1921. Jusqu’à son décès en 1939, elle resta fortement impliquée dans la vie de concerts d’Amsterdam. Elle transforma son grenier dans la Johannes Verhulststraat à Amsterdam en une salle de concert et de conférence. Elle avait horreur du prétendu « antisémitisme impersonnel » de sa sœur. Par le biais de son circuit musical, elle se chargeait d’envoyer des musiciens juifs d’Autriche vers l’Angleterre. Elle entretenait des contacts avec des artistes tels que Sara de Swart et Jan Engelman. Après son décès, sa fille Thea se maria avec son amant, Matthijs Vermeulen.
Translated title of the contribution | Cécile et Elsa, demoiselles de combat. Une biographie |
---|---|
Original language | Dutch |
Place of Publication | Amsterdam |
Publisher | Uitgeverij De Geus |
Number of pages | 640 |
ISBN (Print) | 978-90-445-3482-5 |
Publication status | Published - 27 Nov 2015 |
Projects
- 1 Finished
-
Militant Ladies. The lives and opinions of Cécile and Elsa de Jong van Beek en Donk.
Leijnse, E. (CoI)
1/01/04 → 31/12/15
Project: Research
Prizes
-
Biografieprijs 2016 (Erik Hazelhoff Biografieprijs 2016). Prix pour la meilleure biographie publiée en néerlandais entre novembre 2013 et novembre 2015
Leijnse, E. (Recipient), 10 May 2016
Prize: Prize (including medals and awards)
-
Elisabeth Leijnse, Cécile en Elsa. Strijdbare freules sur la longlist ECI Literatuurprijs (fiction et non-fiction)
Leijnse, E. (Recipient), 24 Aug 2016
Prize: National/international honour
-
Libris Geschiedenis Prijs 2016 pour le meilleur livre d'histoire rédigé en néerlandais
Leijnse, E. (Recipient), 30 Oct 2016
Prize: Prize (including medals and awards)