Des livres, des saints, des hommes : pour une réévaluation de la culture hagiographique latine dans le diocèse de Trèves (XIIIe-XVIe s.)

Project: PHD

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Description

Pendant longtemps, l'étude des textes hagiographiques latins a été principalement motivée par la publication d'éditions critiques, une tradition savante déjà initiée par les Bollandistes au XVIIe siècle. Ce n'est qu'à partir des travaux de Guy Philippart, à la fin des années 70, que l'intérêt s'est porté sur les manuscrits eux-mêmes, en particulier sur ce qu'on appelle les "légendiers" (recueils contenant des dizaines, voire des centaines de pièces en plusieurs volumes). Cependant, leur examen a surtout été régi par des intérêts philologiques : ce qui a prévalu, c'est l'étude de la diffusion de plus grandes collections de textes. En même temps, le manque de documentation a conduit les historiens à concentrer leur attention sur l'étude des textes hagiographiques pour découvrir les motivations et les méthodes de travail des hagiographes du haut Moyen Âge. À l'inverse, l'expansion de l'écriture et la révolution sociale qui s'en est suivie à partir du XIIIe siècle se sont accompagnées d'un manque d'intérêt pour l'hagiographie latine. Néanmoins, d'importantes mutations sont intervenues dans le genre à cette époque, notamment sous l'impulsion des ordres mendiants qui ont contribué à l'émergence d'un nouveau type de recueils : les "abbreviationes" ou "passionalia nova", parmi lesquelles la remarquable "Legenda aurea" de Jacobus de Voragine. On a souligné que l'apparition de ces légendiers abrégés a provoqué un abandon de la formule traditionnelle au profit de ces nouvelles collections reproduites en continu. Cependant, certains spécialistes ont nuancé cette vision, estimant que les légendiers abrégés n'ont pas entièrement fait disparaître les anciens types de recueils. Plus largement, plusieurs publications récentes ont insisté sur la vigueur et le renouveau de la composition hagiographique à la fin du Moyen Âge, y compris au sein du monde germanique.

Afin de réévaluer la culture hagiographique d'une époque mouvante mais peu étudiée, l'objectif du projet de recherche est d'étudier la production, la réception et l'utilisation concrète des matériaux hagiographiques dans le diocèse de Trèves du Moyen Âge tardif (13e-16e siècles). Situé à la frontière des influences germaniques et romanes, ce territoire à cheval sur des parties de l'Allemagne, du Luxembourg, de la Belgique et de la France modernes constitue un carrefour d'espaces culturels qui ont principalement été appréhendés séparément. Pour qu'une telle entreprise soit fructueuse, il est nécessaire d'adopter une approche pionnière qui englobe toutes les opérations intellectuelles et les pratiques d'écriture impliquées dans l'élaboration des collections hagiographiques. Il s'agit donc de placer les manuscrits, en particulier les légendiers, au cœur de l'enquête. La compréhension des enjeux culturels, religieux et sociaux liés à leur genèse et à leurs transformations ultérieures permettra de mieux appréhender les groupes et les individus qui les ont produits, conservés et lus, une dimension largement négligée par les études précédentes. Par ailleurs, l'archéologie des manuscrits hagiographiques permettra de saisir les particularités de chaque collection, notamment par l'identification de textes locaux ou peu diffusés. Ainsi, les réseaux culturels existants impliquant une circulation des hommes et des textes seront mis en évidence, un paramètre jusqu'à présent essentiellement étudié à travers les archives. En définitive, je souhaite montrer qu'au-delà des frontières politiques, il a existé une forme d'interculturalité qui se reflète dans les manuscrits hagiographiques, un support rarement exploité dans sa matérialité. Une telle investigation nécessite la mobilisation des sciences fondamentales de l'histoire (codicologie, paléographie) ainsi que des techniques avant-gardistes des humanités numériques.
Short titleDes livres, des saints, des hommes
StatusFinished
Effective start/end date15/09/1915/09/23

Attachment to an Research Institute in UNAMUR

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